Fellag, L’Allumeur de rêves berbères

Fellag - L'Allumeur de rêves berbèresDoucement ressurgit le besoin d’écrire. Écrire autre chose que les sempiternelles hagiographies des Saints patrons de la Révolution. Écrire, ce besoin primitif de dessiner sur les murs des grottes les peurs, les rires, l’amour et la mort afin de leur trouver des échappatoires salvatrices. Je n’en dormais plus. La rage, la colère, la douleur, la vengeance, la lucidité retrouvée, nourrirent le moteur d’une nouvelle énergie créatrice.

Il faut avouer que je ne me faisais plus aucune illusion sur mon talent ou ma capacité à mener jusqu’à son terme un récit romanesque. J’étais le premier à reconnaître n’avoir ni le souffle, ni le style, ni le bouillonnement intérieur qui font l’originalité d’un homme de lettres. L’imagination ne me manquait pas, mais l’énergie consacrée depuis si longtemps à m’autocensurer, lisser mon langage et brider mon inspiration, avait fini par éteindre la flamme que certains critiques avaient décelée dans mes nouvelles de jeunesse.

J’ai lu, pages 39-40

Au début des années 90, Alger est en proie à la terreur. Après les années douloureuses de colonisation et de décolonisation, le pays tente de se relever mais la reconstruction est semée d’embûches. Des officiels qui jouent aux gros bras et des ultras (religieux) qui se reconvertissent en terroristes se mesurent et la population paye les pots cassés. L’eau est drastiquement rationnée. Zakaria, menacé de mort et discrédité par le régime, observe et écrit : la vie de son quartier, ses voisins. L’un d’eux, Nasser, reçoit également des lettres de menaces. Alors c’est une renaissance pour l’écrivain et Nasser devient son propre miroir, son autre lui.

C’est un ouvrage plein d’une violence contenue mais non dissimulée que nous offre Fellag. Je connaissais ce dernier pour son jeu critique certes, mais humoristique surtout. Ici, pas de rire, mais du fantastique qui s’immisce dans le réel et en fait ressortir l’horreur. L’auteur prend du recul sur sa société dans laquelle il évolue et qui divague.

Objectivement, ce livre est très bon : une plume de qualité, un sujet difficile traité de manière originale et réussie, et une puissance irréfutable. Et pourtant, si je suis subjective, je ne peux que reconnaître que je n’ai pas réussi à me laisser pénétrer par l’histoire, je suis restée simple observatrice de ces personnages délectables. Alors je reste mitigée : lisez-le, je ne peux que le conseiller, mais j’espère que vous saurez mieux que moi vous laisser bercer par la richesse de la langue. En attendant, mon esprit continue à s’envoler à l’évocation de ce titre : L’Allumeur de rêves berbères

Écoutez les premières pages !

 

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4 Replies to “Fellag, L’Allumeur de rêves berbères”

  1. Tes lectures sont vraiment intéressantes ! merci pour la découverte de ton blog ! 🙂
    tu sembles affectionner les éditions Babel, ce que je comprends : c’est une mine de richesses littéraires…
    Belles lectures, je continuerais de te suivre.

    1. Ca me fait bien plaisir ce que tu me dis là ! En effet, j’ai un grand faible pour les éditions Babel : si je n’ai pas aimé tout ce que j’ai lu, il n’en est pas moins que chaque ouvrage est de qualité… et c’est appréciable ! Alors j’ai plutôt tendance à leur faire confiance les yeux fermés…

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